sábado, maio 20, 2006

145. "TRÁS-OS-MONTES" nos "Cahiers du Cinéma"

[Jornadas Cinematográficas de Poitiers, 7-14 de Fevereiro de 1977]

Loin des Lois
(Trás-os-Montes)


par
Serge Daney

Vers la fin du film, un homme enseigne à son fils – un petit garçon – les rudiments de la pêche. La barque glisse sur l’eau calme, la caméra cadre les rives qui sont rocheuses, surplombantes, calmes aussi. Une voix (celle de l’enfant) se fait alors entendre. Elle dit : «Alemanha…» Voix off – mais elle n’affirme pas, n’interroge pas, se hasarde plutôt, rêve tout haut. Puis, sur le même ton : «Espanha…». Ce que l’image indique en effet c’est l’Espagne toute proche, derrière l’écran des montagnes. Mais la voix qui dit «Espanha» ne parle pas plus fort que l’autre, ne la corrige pas. C’est que l’Allemagne aussi est là, dans l’énonciation de l’enfant. Plus loin dans le film, la rime s’accomplira : lecture d’une lettre qu’envoie un père, d’Allemagne justement, où il a émigré. Ce n’est donc pas l’un ou l’autre, c’est tout à la fois les deux pays, réduits chacun à un mot. Il y a l’Espagne qui est le off de l’image, l’au-delà du regard et l’Allemagne qui est le off du son, l’en-deça de la voix. Une zone de rêve et d’angoisse les sépare et les lie, c’est ce qu’on appelle un «plan».
L’éloignement est le sujet du film qu’Antonio Reis et Margarida Cordeiro ont fabriqué dans la province de Trás-os-Montes (d’où le film tire son titre) en 1976. Au double sens d’être loin (exil) et de l’acte même d’éloigner (perte de vue, puis oubli). L’éloignement, nous disent peu à peu Reis et Cordeiro, est l’histoire de ce Nordeste du Portugal. C’est la domination distante, incompréhensible et incompréhensive de la Capitale (Lisbonne) sur de Trás-os-Montes. A tel point que les Lois, édictées de la Capitale, ne parviennent pas jusqu’aux paysans et que ceux-ci s’interrogent : existent-elles seulement ? Scène-clé du film où Reis traduit en dialecte un extrait de La muraille de Chine de Kafka, scène-clé en ce qu’on a vu le problème se reposer tragiquement, dans le réel, en 1976. Eloignement qui dé-culture la province, la coupe de son passé celte et païen, en folklorise les miettes de culture populaire sous forme de cartes postales. Eloignement des paysans des champs cultivés et des pâturages, d’abord vers les mines de la région (scène magnifique où Armando, l’enfant à la toupie désaffectée, ruisselante de pluie), puis vers l’Amérique (le père, jamais vu, soudain revenu d’Argentine et aussitôt reparti), enfin vers l’Europe des usines et des chaînes, França, Alemanha.
L’éloignement (ou son opposé : le rapprochement) qui intéresse les auteurs de Tras-os-Montes se produit dans le hic et nunc du présent. Ce n’est pas le dépoussiérage désolé de l’enfoui, la plainte du temps qui passe ou l’exhibition de trésors qui n’en sont pour personne (sinon pour un public nécrophile, à la «Connaissance du Monde»), c’est une opération autrement exigeante : rendre attentif à ce qui dans le plan (zone, je tiens à le rappeler, de rêve et d’angoisse) renvoie à ailleurs et construire ainsi, peu à peu, ce qu’on pourrait appeler «l’état filmique d’une province». Et pour ce faire, Reis et Cordeiro ne partent surtout pas du fait de l’existence officielle du Trás-os-Montes (celui des cartes de géographie ou de la bureaucratie de Lisbonne) mais du contraire : du creusement, du déchirement de chaque «plan», comme cette rivière déjà citée qui creuse son lit entre l’Espagne et l’Allemagne et qui coule, donc, au Portugal.
L’éloignement n’est pas seulement un thème (sur lequel on peut bavarder, faire montre d’un savoir, bâcler des critiques), c’est aussi la matière du film Trás-os-Montes. La sourde énonciation de chaque plan profère la même question : est-ce qu’il y a des degrés dans le off? Peut-on être plus (Alemanha) ou moins (Spanha) off? Autrement dit : quel est le statut – la qualité d’être – de ce qui sort du champ (de ce qu’il exprime et de ce qu’il expulse) ?
On devine que la réponse que nous donnons est celle-ci (d’elle dépend toute une jouissance du cinéma) : dans le off, il n’y a pas de degrés. Quand tu es loin, même si c’est la porte à côté, au cinéma, tu es perdu à jamais. Ainsi pourrait se résumer, d’une formule typiquement obsessionnelle, ce qu’il en est de la dialectique du in et du off dans le cinéma moderne. Et il faudrait ajouter, pour que l’indétermination soit totale : et si tu reviens, qu’est-ce qui me prouve que c’est toujours bien toi?
La «robe sans couture du réel» dans rêvait Bazin est toujours cisaillés par le cadre, par le montage, par tout ce qui choisit. Mais même rafistolée (raccommodée) d’un contre-champ qui la recoud, elle est habitée par une horreur fondamentale, un malaise : ce que le plan A exhibait et que le plan B a escamoté peut très bien revenir au plan C, mais travesti, sans preuve que ce n’est pas devenue autre chose. Tout ce qui passe par les limbes du off est susceptible de revenir autre. Tout narratifs et représentatifs qu’ils étaient, des gens comme Lang ou Tourneur (continués aujourd’hui par Jacquot ou Biette) ne filmaient que cet autre, ce doute au sein du même, était possible, générateur d’horreur ou de comique (cf. : Buñuel dont c’est le ressort principal). J’ai l’air d’oublier le film de Reis, il n’en est rien. J’en veux pour preuve l’étonnante dernière scène du film où un train troue la nuit, suivi, pourrait-on dire de force par la caméra qui ne le distingue pas toujours bien de l’obscurité et qui ne cesse de le redécouvrir (fort/da), soit sous forme de fumée (pour l’œil), soit sous forme de sifflement (pour l’oreille).
Pour lui, il n’y a pas plus de degrés dans l’éloignement temporel que dans l’éloignement spatial. Pas plus de mémoire récente que de mémoire longue. Tout ce qui n’est pas là est, a priori, également perdu – et donc, c’est là le point important, également à produire. Rupture avec une conception linéaire, gradualiste de la perte (de vue ou de mémoire) au bénéfice d’une conception dynamique, hétérogène, matérielle. Car production, cela veut dire deux choses : on produit une marchandise (par son travail) mais on produit une pièce à conviction (quand il le faut). Cinéma = exhibition + travail. C’est ainsi que, malgré leur érudition Reis et Cordeiro, se comportent sans cesse comme s’ils venaient d’apprendre pour eux-mêmes ce qu’ils allaient communiquer à un spectateur également totalement ignorant. Il faut prendre Reis au sérieux quand il parle, dans l’entretien, de «table rase». Et il n’est pas sûr que cette attitude ne soit pas, au bout du compte, préférable à celle qui consiste à travailler à partir du savoir ou du supposé-savoir du spectateur, quand ce n’est pas à partir d’une doxa commune (génératrice, comme toute doxa, de paresse repue, particulièrement dévastatrice dans les fictions de gauche). J’inclinerais plutôt à penser qu’il vaut mieux – de quelque côté que l’on soit de la caméra – mettre en pratique l’adage mizoguchien : se laver les yeux entre chaque plan.

Serge DANEY

Ces deux textes (et cet entretien) ont été écrit à la suite des Journées cinématographiques de Poitiers qui eurent lieu du 7 au 14 février 1977. Consacrées au cinéma portugais, elles permirent de voir beaucoup d’autres films que ceux qui m’ont retenu ici. Et il va de soi que le cinéma au Portugal ne saurait se réduire à deus (ou trois) noms.
Dans le cas de Manuel de Oliveira, il était moins question de le re-re-découvrir une fois de plus, que de commencer à poser quelques jalons dans la compréhension de ce qu’il est pour une fois pas exagéré d’appeler une «œuvre».
Dans le cas de Trás-os-Montes, il était plutôt question de donner aux lecteurs des Cahiers (et parmi eux, qui sait, aux distributeurs) le désir de voir (ou de donner à voir) ce film.
Sur le cinéma portugais, il faudra revenir. S.D.


Tradução:

LONGE DAS LEIS

Já perto do fim do filme, um homem ensina ao filho – um rapazinho – os rudimentos da pesca. O barco desliza pelas águas calmas, a câmara enquadra as margens, rochosas, em declive, também elas calmas. Ouve-se então uma voz (a da criança). Diz: "Alemanha...". Voz off – mas não afirma nada, não interroga nada, antes se aventura, sonha em voz alta. Depois, no mesmo tom: "Espanha...". O que a imagem indica é, efectivamente, a Espanha ali próximo, atrás da parede de montanhas. Mas a voz que pronuncia "Espanha..." não fala mais alto do que a outra, não a corrige. É que a Alemanha também está ali, no enunciado da criança. Mais tarde, no filme, o enigma é revelado: leitura de uma carta que um pai manda, precisamente da Alemanha, para onde emigrou. Não se trata, portanto, de um ou de outro, trata-se, simultaneamente, dos dois países, cada qual reduzido a uma palavra. Temos a Espanha que é o off da imagem, o que está para além do olhar e a Alemanha que é o off do som, o que está para aquém da voz... Uma zona de sonho e de angústia separa-os e liga-os: é a isto que se chama um "plano".
O afastamento é o tema do filme que António Reis e Margarida Cordeiro rodaram na província de Trás-os-Montes (daí o título do filme), em 1976. No duplo sentido de se estar longe (exílio) e do próprio acto de se afastar (longe da vista e esquecimento). O afastamento, dizem-nos pouco a pouco Reis e Cordeiro, é a história desse Nordeste de Portugal. É o domínio distante, incompreensível e incompreensivo, da Capital (Lisboa) sobre Trás-os-Montes. De tal modo que as leis, ditadas pela Capital, não chegam aos camponeses que se interrogam mesmo: será que existem? Cena-chave do filme em que Reis traduz para o dialecto um extracto de "A muralha da China" de Kafka, cena-chave na medida em que o problema volta a surgir, tragicamente, agora na realidade, em 1976. Afastamento que a-cultura a província, a corta do seu passado celta e pagão, folclorizando as migalhas de cultura popular como um postal ilustrado. Afastamento dos camponeses dos campos cultivados e das pastagens, levando-os primeiro para minas da região (cena magnífica em que Armando, a criança do pião, visita a mina desafectada, a escorrer chuva), depois para a América (o pai, nunca visto, aparece de repente vindo da Argentina para logo partir), e, finalmente, para a Europa das fábricas e das cadeias de produção, França, Alemanha.
O afastamento (ou o seu contrário: a aproximação) que interessa aos autores de Trás-os-Montes produz-se no hic et nunc do presente. Não se trata de limpar displicentemente o pó a coisas escondidas, de carpir o tempo que passa nem mesmo a exibição de tesouros que não o são para ninguém (a não ser para um público necrófilo, da “"Connaissance du Monde"), trata-se de uma operação muito mais exigente: chamar a atenção para aquilo que no plano (zona, volto a lembrar, de sonho e de angústia) remete para algures, assim construindo, pouco a pouco, aquilo a que poderíamos chamar "o estado fílmico de uma província". E para isso, Reis e Cordeiro não partem definitivamente, do facto da existência oficial de Trás-os-Montes (a dos mapas geográficos ou da burocracia de Lisboa) mas exactamente do oposto: do rasgar, do dilacerar de cada "plano", como esse riacho já citado que rasga o seu leito entre a Espanha e a Alemanha e que corre, portanto, em Portugal.
O afastamento não é apenas um tema (sobre o qual se podia conversar, mostrar sabedoria, fazer críticas apressadas), é também a matéria do filme Trás-os-Montes. O surdo enunciado de cada plano profere a mesma pergunta: haverá graus no off? Poder-se-á ser mais (Alemanha) ou menos (Espanha) off? Por outras palavras: qual é o estatuto – a qualidade de ser – do que sai do campo (do que exprime e do que expulsa)?
Adivinha-se que a nossa resposta é a seguinte (dela vai depender todo um fruir do cinema): no off, não há graus. Quando estás longe, mesmo que seja na porta ao lado, no cinema, estás para sempre perdido. Assim se poderia resumir, de uma maneira tipicamente obsessiva, o que é a dialéctica do in e do off no cinema moderno. E seria preciso acrescentar, para que a indeterminação seja total: e se voltares, o que é que me prova que continuas a ser mesmo tu?
O "vestido sem costura do real", sonhado por Bazin, continua a ser cortado pelo quadro, pela montagem, por aquilo que escolhe. Mas mesmo quando consertado (re-arranjado) num contra-campo que o volta a coser, continua prenhe de uma inquietude essencial, um inquietação: aquilo que o plano A mostrava e que o plano B escamoteou pode muito bem reaparecer no plano C, mas travestido, sem nenhuma prova de não ser transformado em algo de diferente. Tudo o que passa pelas franjas do off é susceptível de se tornar outro. Se bem que narrativos e representativos, Lang e Tourneur (hoje em dia seguidos por Jacquot ou Biette) só filmavam porque esse outro, essa dúvida dentro do mesmo, era um potencial gerador de horror ou de cómico (cf: Buñuel, expoente máximo). Parece que me esqueci do filme de Reis. De maneira nenhuma. Como prova, vejamos a espantosa última cena do filme onde um comboio fura a noite, seguido, poder-se-ia mesmo dizer à força, pela câmara que nem sempre o distingue da escuridão mas que está constantemente a descobri-lo quer sob a forma de fumo (para o olhar), quer sob a forma de apito (para o ouvido).
Para ele, já não há graus nem no afastamento temporal nem no afastamento espacial. Também não há nem memória distante. Tudo o que não está ali está, a priori, igualmente perdido - e portanto, e é este o ponto importante, igualmente passível de ser produzido. Ruptura com uma concepção linear, gradualista da perda (de vista ou de memória) em benefício de uma concepção dinâmica, heterogénea, material. Pois produção significa duas coisas: produz-se uma mercadoria (através do trabalho) mas também se produzem provas (sempre que necessário). Cinema = exibição + trabalho. É assim que, apesar da sua erudição, Reis e Cordeiro se comportam sempre como quem acaba de aprender algo e o comunica a um espectador também totalmente ignorante. É preciso levar a sério Reis quando, na conversa, ele fala de "tábua-rasa". E ele não tem a certeza de que esta atitude seja, finalmente, preferível àquela que consiste em trabalhar a partir do conhecimento ou do suposto conhecimento do espectador, quando não a partir de uma doxa comum (geradora, como qualquer doxa, de preguiça satisfeita, particularmente devastadora nas ficções de esquerda). Inclino-me antes a pensar que será melhor – à frente ou atrás da câmara – pôr em prática o provérbio mizoguchiano: lavar os olhos entre cada plano.

Revista Cahiers du Cinéma, n.º 276, págs. 42-44, Maio de 1977.
A tradução foi retirada de O Olhar de Ulisses, n.º 2: O Som e a Fúria, pág. 77-79, Porto 2001: Capital Europeia da Cultura, Porto, 2001 .

sexta-feira, maio 19, 2006

144. "TRÁS-OS-MONTES" no "Écran"

[Jornadas Cinematográficas de Poitiers, 7-14 de Fevereiro de 1977]

poitiers.portugal

Les Journées Cinématographiques de Poitiers, dédiées chaque année a une production nationale, viennent de consacrer leur quinzième édition au cinéma portugais, cas typique de ces «petites» cinématographies qui ont beaucoup de mal à se faire une place sur nos écrans. Il faut cependant reconnaître que ce cinéma, même après le 25 avril, n'a pas jusqu'ici réussi à s'imposer de façon décisive à notre attention malgré la présence à Lisbonne de quelques individualités de talent.
(...)
Avec une quarantaine de films, le panorama offert par ces Journées était à la fois très significatif (pour le passé et le présent) et insuffisant pour approfondir nos impressions sur une production qui reste presque entièrement à découvrir. On a du moins pu voir l'oeuvre complet de Manuel de Oliveira, remarquable par sa longévité créatrice (il a débuté en 1929 et il a 72 ans) et par la haute tenue de son inspiration: personnage unique dans la production nationale, il mérite une attention particulière et une étude à part.
Mais l'événement de ces Journées a été pour moi le magnifique documentaire-fiction d'Antonio Reis (co-réalisé avec Margarida Cordeiro), qui s'intitule TRAS-OS-MONTES, dont j'ai déjà dit les mérites récemment (N.º 54, p. 13) et sur lequel j'espère avoir l'occasion de revenir lors de la sortie qu'il mérite: c'est un reportage sur une région déshéritée du nord-est du pays, coupé de séquences historiques, le tout plongé dans une atmosphère à la fois contemplative et onirique qui n'empêche pas l'oeuvre de prendre l'allure d'un constat social et d'un document humain. C'est un film d'une grande beauté, oeuvre d'un poète déjà auteur d'un très percutant et très poignant moyen métrage, JAIME (N.º 31, p. 14), sur l'univers de la folie. TRAS-OS-MONTES confirme ainsi les dons poétiques et visuels d'une personnalité secrète et fervente dont j'attends avec grand intérêt la production à venir.

Marcel MARTIN

Revista Écran, n.º 58, pág. 16-17, Maio de 1977